Une thérapie génique contre la leucodystrophie métachromatique s’avère efficace chez la souris

Recherche Mis en ligne le 22 avril 2024
Illustration 3D d’un virus adéno-associé, utilisé comme vecteur dans la thérapie génique.
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La leucodystrophie métachromatique est une maladie génétique rare qui affecte principalement les jeunes enfants, et se traduit par des symptômes neurologiques sévères accompagnés d’une perte des capacités motrices et intellectuelles. À l’Institut du Cerveau, Françoise Piguet et ses collègues ont mis au point un traitement par thérapie génique capable de corriger la principale anomalie observée dans la maladie : l’accumulation de sulfatides dans le cerveau et la moelle épinière. Efficace chez la souris, comme le montrent de nouveaux résultats publiés dans Molecular Therapy – Methods & Clinical Development, cette technique ouvre la voie à des essais cliniques chez l’humain.

La leucodystrophie métachromatique est une maladie génétique rare qui concerne entre 1 et 9 personnes sur 100 000, et se manifeste principalement dans l’enfance et l’adolescence — avec 10 à 20% des cas observés chez l’âge adulte. Héréditaire, elle nécessite toutefois que les deux parents soient porteurs du gène muté, ARSA, qui contrôle la production de l’enzyme arylsulfatase A. La raréfaction de cette enzyme dans l’organisme entraîne une accumulation anormale de certains lipides (les sulfatides) dans la substance blanche du système nerveux central, les nerfs périphériques, les reins, ou encore la vésicule biliaire.

Conséquence ? Une perte de la gaine de myéline qui assure la bonne conduction du signal nerveux dans le cerveau et la moelle épinière, et une forte réponse inflammatoire qui endommage les cellules nerveuses. On observe alors chez les patients des symptômes très handicapants comme des troubles du mouvement, de la vue et de l’audition, une dégradation des capacités intellectuelles et des difficultés pour s’exprimer. La maladie évolue particulièrement vite chez les enfants et conduit à un décès prématuré, d’où l’urgence de mettre au point des traitements efficaces.

« Pour ces jeunes patients chez qui les symptômes sont déjà installés, la thérapie génique, qui consiste à injecter un gène sain dans l’organisme en utilisant un virus inoffensif, est une piste très prometteuse pour retarder ou stopper la progression de la maladie, explique Françoise Piguet, chercheuse et responsable de l’unité d’innovation et de développement technologique Genov à l’Institut du Cerveau. Cette technique permet de corriger les cellules nerveuses pour leur faire exprimer la protéine qui fait défaut — ici, l’enzyme arylsulfatase A. »

Mais pour que la thérapie génique in vivo soit efficace, il faut surmonter une contrainte de taille : permettre au cargo de matériel génétique de passer la barrière hémato-encéphalique, qui empêche les substances indésirables qui circulent dans le sang d’atteindre le cerveau.

 

À l’assaut de la barrière hémato-encéphalique

Pour leur étude, Françoise Piguet et son équipe ont choisi un virus dit « adéno-associé » d’un type spécifique (AAVPHP.eB) dont les propriétés lui permettent de traverser sans peine cette barrière, et qui est sans danger pour l’organisme. Les chercheurs l’ont utilisé comme vecteur — c’est-à-dire comme véhicule — pour transporter une copie du gène ARSA fonctionnel dans le cerveau de souris chez qui ce gène était déficient.

« Nous avons administré le gène-médicament à des souris âgées de six mois, puis à des souris âgées de neuf moisdont les symptômes étaient plus sévères, détaille Françoise Piguet. Les effets du traitement ont ensuite été évalués trois et six mois après chaque injection. »

Les résultats des chercheurs sont très encourageants. Le gène sain s’est diffusé avec succès dans la population de neurones cibles, qui ont commencé à secreter la précieuse enzyme et à corriger l’activité des cellules voisines — dont les oligodendrocytes, producteurs de myéline. Conséquence ? Les quantités de sulfatides sont revenues à un niveau normal et la neuroinflammation a été fortement réduite dans le cerveau et la moelle épinière, même chez les souris de neuf mois dont la maladie était plus avancée.

« Ces données sont suffisamment robustes pour que nous puissions désormais évaluer le traitement chez le primate, en vue d’organiser des essais cliniques chez l’humain, conclue la chercheuse. La leucodystrophie métachromatique s’installe de manière fulgurante chez les jeunes enfants, et la thérapie génique doit stopper l’accumulation anormale de sulfatides dans un temps très court. Tous nos efforts sont consacrés à atteindre ce but ! »

 

Financement

Ce projet a été financé par le programme de l’Association Européenne contre les Leucodystrophies, JANSSEN Horizon, et le programme « Investissements d’avenir » NeurATRIS.

Source

Audouard, E. et al. Dose-response evaluation of intravenous gene therapy in a symptomatic mouse model of metachromatic leucodystrophy. Molecular Therapy – Methods & Clinical Development, Avril 2024. DOI : 10.1016/j.omtm.2024.101248.