Syndrome de Rett : une nouvelle thérapie génique en vue

Recherche Mis en ligne le 11 juillet 2024
Image d'un neuron

Le syndrome de Rett est un trouble neurologique causé par la mutation du gène MEPC2 situé sur le chromosome sexuel X. Crédit : Adobe Stock.

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La thérapie génique pourrait constituer notre meilleure chance de traiter le syndrome de Rett, un trouble neurologique qui entraîne des déficiences intellectuelles et motrices graves. À l’Institut du Cerveau, Françoise Piguet et ses collègues ont exploité la piste du métabolisme du cholestérol cérébral, qui est perturbé chez les jeunes malades. En corrigeant cette voie grâce à l’injection d’un gène-médicament, les chercheurs montrent, chez la souris, que les symptômes de la maladie peuvent être considérablement réduits. Leurs résultats sont publiés dans le revue Pharmaceutics.

Le syndrome de Rett est une maladie grave qui apparaît dans la petite enfance et touche exclusivement les filles — à une fréquence d’une naissance sur 10 000 environ. Dans sa forme typique, la maladie est causée par la mutation d’un gène qui influence la production de MePC2 — une protéine très abondante dans le système nerveux central et qui possède un rôle important dans le développement et la maturation du cerveau.

Le syndrome se manifeste sous la forme d’une régression brutale des capacités intellectuelles et motrices de l’enfant, après 6 à 16 mois de développement apparemment normal du langage, de la coordination, de la marche et des interactions sociales. Cette interruption des apprentissages s’accompagne aussi de troubles respiratoires et cardiovasculaires : un polyhandicap s’installe en quelques mois.

Aujourd’hui, une prise en charge médicale adéquate permet heureusement aux malades de vivre plusieurs dizaines d’années avec la maladie, qui est très hétérogène : la sévérité des symptômes dépend de la proportion des cellules qui expriment la protéine MePC2 mutée.

 

Le métabolisme du cholestérol, une nouvelle cible thérapeutique

De nouveaux traitements — comme la trofinétide, réservée aux adultes et aux enfants de plus de deux ans — ont émergé récemment. Mais aucun n’est capable de soigner toutes les formes de la maladie et de stopper son évolution chez les jeunes patients qui montrent encore peu de symptômes.

Une nouvelle piste de recherche se dessine toutefois : il semble que les niveaux insuffisants de MePC2 observés dans le syndrome de Rett perturbent fortement le métabolisme du cholestérol cérébral. Or, le cholestérol constitue un élément de base des membranes cellulaires ; il contribue au développement cérébral, à la bonne communication entre les neurones, et intervient dans des fonctions essentielles comme l’apprentissage et la mémoire.

« Des déséquilibres du cholestérol cérébral sont observés dans plusieurs pathologies neurologiques, comme la maladie de Huntington ou la maladie de Parkinson. D’où, l’idée d’explorer cette anomalie dans le syndrome de Rett, dans lequel on observe le même genre de perturbations », explique Françoise Piguet, à la tête de l’unité d’innovation GENOV de l’Institut du Cerveau.

Le cholestérol ne peut pas traverser librement la barrière hémato-encéphalique ; contrairement aux autres organes qui utilisent le cholestérol issu de l’alimentation ou produit par le foie, le cerveau synthétise et régule le précieux lipide in situ. L’équipe de Françoise Piguet a donc choisi de moduler les niveaux de cholestérol directement dans le cerveau en ciblant CYP46A1, l’enzyme chargée de dégrader le cholestérol en un produit qui peut être éliminé du système nerveux central.

 

Un succès prometteur chez la souris

D’abord, les chercheurs ont conçu un gène-médicament capable d’augmenter massivement l’expression de CYP46A1 dans le cerveau, et qui peut atteindre les cellules nerveuses grâce à un virus inoffensif dit « adéno-associé » (AAV) qui lui sert de véhicule. Ils ont ensuite administré le traitement à des souris modèles du syndrome de Rett à un très jeune âge — à partir de 21 jours — c’est-à-dire avant l’apparition des premiers symptômes de la maladie.

Les résultats de l’équipe sont très encourageants : le traitement a permis d’accroître fortement l’expression de CYP46A1 dans le cerveau et la moelle épinière des souris sans perturber les autres organes. Une fois la maladie installée, les symptômes des animaux traités ont été fortement réduits par rapport aux contrôles, et l’espérance de vie des mâles a augmenté.

Enfin, les chercheurs ont observé une amélioration du cycle de synthèse et de dégradation du cholestérol cérébral des rongeurs, ainsi qu’une correction de l’activité des mitochondries — des structures essentielles au bon fonctionnement cellulaire.

« Ces données indiquent que la régulation du cholestérol cérébral via thérapie génique est une option prometteuse pour réduire les symptômes des patients, se réjouit Françoise Piguet. Ici, le traitement a été parfaitement toléré par les animaux. Nous continuerons donc d’évaluer son efficacité et son innocuité, en vue d’organiser des essais cliniques chez l’humain. Le grand défi sera de comprendre à quel moment exact de la maturation cérébrale ce nouvel outil thérapeutique doit être utilisé. Ceci, afin d’obtenir les meilleurs effets ! »

Financement

Cette étude a été financée par la Fondation Lejeune, le programme « Investissements d’avenir », et NeurATRIS, structure de coordination de la recherche translationnelle en neurosciences

Source

Audouard, E. et al. Modulation of brain cholesterol metabolism through CYP46A1 overexpression for Rett syndrome. Pharmaceutics, Juin 2024. DOI : doi.org/10.3390/pharmaceutics16060756.