Synchronisation interindividuelle du rythme cardiaque : un nouveau signe pour le suivi de l’état de conscience

Recherche Mis en ligne le 14 septembre 2021
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Lorsque nous écoutons une histoire qui nous est racontée, notre attention pourrait se refléter dans la synchronisation interindividuelle du rythme cardiaque. C’est ce que montre une étude conduite par Pauline Perez (co-première autrice) du groupe de Jacobo Sitt (Inserm) dans l’équipe « PICNIC- neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle » à l’Institut du Cerveau qui rapporte également que cette synchronisation pourrait constituer un nouveau biomarqueur des états de conscience. Les résultats sont publiés dans Cell Reports.

Notre rythme cardiaque fluctue beaucoup selon les informations que nous recevons. L’activité physique le fait s’accélérer, mais le simple fait d’y penser pourrait également modifier les battements de notre cœur. Au contraire, la méditation peut ralentir ce rythme. Les processus mentaux pourraient donc jouer un rôle important sur les rythmes de notre corps parmi les individus. Le groupe de Jacobo Sitt à l’Institut du Cerveau a cherché à comprendre si et comment la prise de conscience d’un stimuli pouvait synchroniser les rythmes de notre corps (EEG, rythme cardiaque…) et en particulier l’activité cardiaque, qui a l’avantage d’être facilement mesurable. Pour cela, ils ont utilisé un nouveau type de stimuli, la narration d’une histoire, audio ou audiovisuel. Ils montrent que lorsque les sujets écoutent une histoire, leur activité cardiaque se synchronise, c’est-à-dire qu’elle augmente et diminue aux mêmes moments.

L’étude a été menée en collaboration avec des équipes anglaises et américaines sur quatre groupes de sujets. Le premier groupe enregistré à Birmingham (groupe de Damien Cruse) qui n’a mesuré que la synchronisation cardiaque pendant l’écoute ou le visionnage d’une histoire.

Un deuxième groupe à New-York (Lucas Parra – co-dernier auteur – et Jens Madsen – co-premier auteur de l’étude) testait deux conditions : dans l’une ils écoutaient attentivement une vidéo éducative, dans l’autre, ils devaient regarder la même vidéo, tout en effectuant une tâche (compter à rebours de 7 en 7) afin de perturber leur attention pendant l’écoute de l’histoire. Dans ce cas, une différence notable existait entre les sujets qui étaient attentifs à l’histoire, qui étaient synchronisés dans leur activité cardiaque, et ceux qui étaient distraits et qui ne se synchronisaient pas.

Le troisième groupe a été évalué par l’équipe de l’Institut du Cerveau. Les histoires qui leur étaient présentées étaient uniquement audio. Cela était nécessaire pour pouvoir ensuite réaliser cette expérience chez des patients avec des troubles de l’état de conscience, qui ne sont pas en mesure de regarder une vidéo. Il suivait un schéma de test similaire au groupe de New-York. A la fin de l’histoire, les sujets devaient en plus remplir un questionnaire sur l’histoire en question. Les résultats obtenus étaient identiques à ceux de New-York. L’ajout du questionnaire a également permis à l’équipe de montrer que les niveaux de synchronisation des sujets par rapport au groupe étaient prédictifs des capacités de mémorisation de l’histoire. Ainsi, les sujets ayant un niveau de synchronisation très haut se souvenaient beaucoup mieux de l’histoire que les sujets dont la synchronisation cardiaque était faible.

Enfin, le dernier groupe était composé de sujets atteints de troubles de l’état de conscience. Les chercheurs montrent que les niveaux de synchronisation entre les patients et les sujets sains sont toujours très bas. Certains patients présentaient tout de même une synchronisation plus élevée avec les sujets sains. Elle était associée à une meilleure récupération de la conscience.

« Même si nous ne savons pas avec certitude si les patients sont complètement conscients, ils peuvent réagir de la même façon que les sujets sains. Cette réaction semble prédictive de la récupération de la conscience. Ce résultat suggère une nouvelle approche d’évaluation de la conscience, facile à implémenter en clinique et complémentaire des autres méthodes de mesure de la conscience. » explique Jacobo Sitt (Inserm).