La prise de décision : une nouvelle répartition des tâches dans notre cortex préfrontal ?

Recherche Mis en ligne le 23 juin 2022
La prise de décision : une nouvelle répartition des tâches dans notre cortex préfrontal ?
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L’équipe « Motivation, Cerveau et Comportement », co-dirigée par Mathias Pessiglione (Inserm) à l’Institut du Cerveau, propose dans une étude parue dans le Journal of Neuroscience une nouvelle approche pour comprendre comment notre cortex préfrontal prend des décisions.

 

La prise de décision : des coûts et des bénéfices

Prendre une décision repose sur une balance fine entre coûts et bénéfices. En d’autres termes, face à plusieurs options, il faut identifier celle qui permettra d’obtenir la plus grande récompense avec le plus petit effort. Lorsque nous faisons face à cette situation, c’est-à-dire à peu près tout le temps dans notre vie, un ensemble d’opérations se déroulent dans notre cerveau pour évaluer les différentes possibilités qui se présentent à nous et choisir la meilleure.

 

« Si le rôle du cortex préfrontal dans l’évaluation des efforts et des récompenses est bien accepté, le rôle fonctionnel de chaque sous-région est sujet à débat, car les résultats obtenus dans différentes études sont contradictoires » explique Nicolas Clairis, premier auteur de l’étude, actuellement en post-doctorat à l’École Polytechnique Fédéral de Lausanne (EPFL, Suisse).

 

La délibération et la confiance en ses propres choix

 

Pour tenter de répondre à cette problématique, l’équipe de Mathias Pessiglione (Inserm) à l’Institut du Cerveau a adopté une autre approche, afin de clarifier la répartition des rôles dans le cortex préfrontal. Pour cela, ils ont pris en compte la part métacognitive de la décision, c’est-à-dire les coûts et les bénéfices de la délibération elle-même (passer du temps à réfléchir pour avoir davantage confiance dans sa décision). Ainsi, dans une décision comme « Est-ce que je poursuis jusqu’au col pour avoir la vue sur l’autre vallée ? », il faut évaluer non seulement l’option considérée, c’est-à-dire l’effort à fournir (il faut remonter tout le pierrier et cela semble difficile) et la récompense à venir (on m’a dit que la vue est vraiment belle de là-haut), mais aussi la confiance dans le choix envisagé (ai-je raison de vouloir poursuivre ?) et le temps de la délibération (faut-il y réfléchir davantage ?)

 

Les chercheurs ont proposé à 39 participants plusieurs tâches de préférence portant aussi bien sur des notations – appréciez-vous cette option un peu, beaucoup ou pas du tout ? – que sur des décisions binaires –- préférez-vous l’option A ou B ? êtes-vous prêt à fournir tel effort pour telle récompense ? Ces tests étaient combinés à de l’imagerie fonctionnelle (IRMf).

 

Une nouvelle répartition des tâches dans notre cortex préfrontal

Leurs résultats confirment le rôle du cortex préfrontal ventro-médian (vmPFC) dans l’attribution d’une valeur aux différentes options présentées lors d’un choix. Ainsi, l’activité de cette région augmente selon la valeur de la récompense promise et diminue selon le coût de l’effort nécessaire pour l’obtenir. Les régions plus dorsales du cortex préfrontal sont plutôt associées aux variables métacognitives proposées par l’équipe de l’Institut du Cerveau. La confiance en ses propres choix est représentée dans l’activité du cortex préfrontal médian (mPFC), tandis que le temps de délibération se reflète active le cortex préfrontal dorso-médian (dmPFC).

 

« Nous confirmons ici l’intérêt de distinguer les variables qui déterminent la décision (effort et récompense) et celles qui déterminent la méta-décision (quand faut-il arrêter son choix) pour comprendre l’architecture fonctionnelle du cortex préfrontal. L’avantage de ce nouveau cadre conceptuel est qu’il peut facilement se généraliser à d’autres types de comportement que les choix. Par exemple pour émettre un jugement, il y a aussi un compromis métacognitif entre confiance et délibération : il faut qu’on ait confiance dans son jugement, et en même temps on ne peut pas prendre un temps infini avant d’arrêter son jugement » conclut Mathias Pessiglione, chef d’équipe à l’Institut du Cerveau et dernier auteur de l’étude.

 

 

Source
Value, confidence, deliberation: a functional partition of the medial prefrontal cortex demonstrated across rating and choice tasks.
Clairis N, Pessiglione M.J Neurosci. 2022 Jun 1

Equipes scientifiques

Equipe "Motivation, cerveau et comportement"
Chef d'équipe
Sebastien BOURET PhD, CR2, CNRS
Jean DAUNIZEAU PhD, CR1 INSERM
Mathias PESSIGLIONE PhD, DR2, INSERM
Comportements dirigés, social, cognition morale, motivation Domaine principal: cognition Domaine secondaire: neurosciences computationnelles L’équipe "Motivation, cerveau et comportement", dirigée par Mathias PESSIGLIONE, Jean DAUNIZEAU et Sébastien BOURET combine trois approches complémentaires : les neurosciences cognitives chez l’homme, la neurophysiologie chez le singe et la modélisation computationnelle, essentielle pour relier quantitativement les différents niveaux de descriptions. L'équipe cherche à comprendre les mécanismes cérébraux qui motivent le comportement, à la fois dans les conditions normales et dans les pathologies neurologiques et psychiatriques.
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