Parkinson : des troubles du contrôle des impulsions fréquents chez près de la moitié des patients traités

Recherche Mis en ligne le 27 juin 2018
Ouvrir / fermer le sommaire

Une étude menée par des médecins et chercheurs de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Sorbonne Université et du Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations, Inserm, a analysé les données d’une cohorte, coordonnée par l’AP-HP, de 400 patients atteints de la maladie de Parkinson. Elle révèle que les troubles des impulsions, des effets secondaires observés tels que des addictions aux jeux et aux achats ou une hypersexualité, sont fréquents chez les patients traités. Ils touchent près de la moitié des patients suivis 5 ans plus tard, et sont fortement associés à la dose et à la durée du traitement par agoniste dopaminergique.

La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative et affecte environ 150 000 patients en France. Elle se caractérise par la présence de symptômes moteurs – tremblement, lenteur et raideur – en rapport avec une perte des neurones secrétant la dopamine. Le principe du traitement repose sur l’utilisation de médicaments qui remplacent ce manque en dopamine. Il existe deux grandes classes de médicaments, la L-dopa (substance naturelle, précurseur de la dopamine) et les agonistes dopaminergiques (médicaments synthétiques qui miment l’action de la dopamine).

Depuis quelques années il a été rapporté des troubles du comportement qui peuvent survenir sous traitement de parkinson, notamment avec les agonistes dopaminergiques. Ces effets indésirables appelés « troubles du contrôle des impulsions » sont caractérisés par des comportements d’addiction aux jeux, aux achats, à une alimentation compulsive ou à une hypersexualité. La fréquence de ces troubles était estimée à 15% environ dans les études transversales mais l’incidence cumulée, c’est-à-dire le nombre de cas survenant au long cours, et l’effet de la dose du traitement n’étaient pas connus.

Dans cette étude, les scientifiques ont étudié les données d’une cohorte, de plus de 400 patients parkinsoniens coordonnée par l’AP-HP par le Pr. Jean-Christophe Corvol, de l’hôpital Pitié Salpêtrière, AP-HP – Centre d’Investigation Clinique Neurosciences – Institut du Cerveau et de la Moelle (Inserm/CNRS/Sorbonne Université).

Les patients ont été recrutés dans plusieurs CHU français et hôpitaux d’Ile de France grâce au soutien du réseau français de recherche clinique sur la maladie de Parkinson (NS-PARK/FCRIN, Inserm). Ils ont eu une visite annuelle avec un neurologue, pendant 5 ans, qui évaluait les symptômes de la maladie, les traitements et la présence de troubles du comportement.

Les analyses, conduites par le Dr Alexis Elbaz, chercheur à l’Inserm à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP et au Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (Inserm/UVSQ/ Université Paris Sud-Université Paris Saclay), montrent que la prévalence des troubles du comportement augmentait avec le temps. A l’inclusion 20% des patients montraient des troubles du contrôle des impulsions dont des troubles alimentaires compulsifs (11%), des comportements sexuels compulsifs (9%), des achats compulsifs (5%) et une addiction aux jeux (4%). Après 5 ans, ils concernaient 33% des patients.

Parmi les patients qui n’avaient pas de troubles du contrôle des impulsions à l’entrée dans l’étude, presque la moitié des patients (46%) a développé des troubles au cours des 5 ans de suivi.

La différence est plus importante entre les patients qui n’ont jamais utilisé d’agoniste dopaminergique (12% de troubles à 5 ans) par rapport à ceux qui en ont utilisé (52% à 5 ans).

Par ailleurs, une relation très significative entre la dose cumulée d’agoniste dopaminergique et la survenue de troubles du comportement a été observée. Elle signifie que la dose journalière et la durée du traitement sont des facteurs déterminants pour la survenue de ces troubles.

Toutefois, les auteurs précisent que la population étudiée correspondait à une population relativement jeune et majoritairement traitée par agonistes dopaminergiques entrainant une surestimation probable de la fréquence dans la population générale.

En conclusion, ces résultats montrent que les troubles du contrôle des impulsions sont très fréquents dans la maladie de Parkinson, touchant près de la moitié des patients à 5 ans, et sont fortement associés à la dose et à la durée du traitement par agoniste dopaminergique.

Si ces médicaments ont par ailleurs montré une efficacité dans cette maladie, les auteurs recommandent de surveiller attentivement, et de manière continue, la survenue de ces troubles tout au long du suivi.

Cette étude fait l’objet d’un financement par le Ministère de la Santé (PHRC AOR0810), de l’agence nationale de Sécurité des médicaments ANSM et de l’ANR.

Référence : Longitudinal analysis of impulse control disorders in Parkinson’s disease