Oxygénothérapie : une piste pour calmer les crises de mouvements anormaux dans une maladie infantile rare

Recherche Mis en ligne le 21 février 2023
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Des chercheurs de l’Institut du Cerveau, sous la direction d’Emmanuel Flamand-Roze, ont montré qu’une simple administration d’oxygène pouvait soulager les crises de mouvements anormaux dans une maladie orpheline, l’hémiplégie alternante de l’enfance (HAE). Ces résultats préliminaires, très encourageants, ont été publiés dans la revue Movement Disorders.

L’hémiplégie alternante est une maladie neurodéveloppementale grave associée à une mutation du gène ATP1A3. Elle se déclare dès l’enfance, et provoque des symptômes qui altèrent considérablement la qualité de vie. Les jeunes patients sont touchés par des épisodes de paralysie – qui peuvent durer de quelques minutes à plusieurs jours et affectent l’une ou l’autre moitié du corps. Ils font également des crises de contractions musculaires involontaires appelées dystonies, qui se prolongent parfois pendant des heures, et sont souvent douloureuses.

Les traitements médicamenteux sont en général inefficaces. Pour l’heure, la prise en charge est basée sur l’administration de sédatifs car les crises s’interrompent au cours du sommeil. Enfin, l’évitement des événements susceptibles de déclencher les symptômes – comme le stress ou les efforts physiques – permettent parfois d’espacer les épisodes aigus.

« Nous sommes démunis pour aider ces patients. Nous restons donc particulièrement attentifs aux facteurs, parfois inattendus, qui pourraient les soulager », explique Emmanuel Flamand-Roze, neurologue et spécialiste des mouvements anormaux. « Récemment, un jeune homme de 25 ans nous a raconté qu’après avoir reçu du gaz hilarant lors d’un épisode de dystonie, ses symptômes se sont estompés en quelques minutes. Nous avons tenté d’en identifier la raison, sachant que ce gaz – du protoxyde d’azote, est habituellement administré avec 50% d’oxygène. Comme il n’est pas envisageable de donner du protoxyde d’azote en traitement quotidien, nous avons voulu tester la possibilité que l’oxygène soit le facteur responsable de l’arrêt de la crise. »

Les chercheurs ont alors installé un dispositif d’oxygénothérapie au domicile du patient. « Nous avons observé que les mouvements anormaux s’interrompaient 15 minutes après l’administration de l’oxygène, précise le chercheur. C’est un bénéfice conséquent, dans la mesure où ce jeune homme pouvait faire jusqu’à 8 crises par jour, certaines pouvant durer plusieurs heures. Sa qualité de vie s’en est trouvée améliorée. Or, l’oxygénothérapie est un traitement sans risque, très accessible, qui peut permettre de réduire considérablement l’usage de sédatifs puissants, comme le midazolam, que le patient prenait à raison de 40 doses par mois. »

Un membre de l’équipe, Quentin Welniarz, a proposé une hypothèse pour expliquer l’effet de l’oxygène. Selon lui, un phénomène appelé « dépression corticale envahissante », qui correspond à une vague de perturbation électrique dans le cerveau, tient un rôle important dans le déclenchement des symptômes de l’hémiplégie alternante. Cette vague est constituée d’une phase rapide d’hyperactivité neuronale suivie d’une phase plus lente de silence électrique dans les cellules du cortex, et est associée à une hypoxie – c’est-à-dire une moindre disponibilité de l’oxygène. Administrer rapidement l’oxygène au moment des crises pourrait donc interrompre ou atténuer ce phénomène.

Pour s’assurer que l’association entre l’administration d’oxygène et la réduction des dystonies n’est pas fortuite, les chercheurs devront maintenant s’assurer que le même effet se produit chez d’autres patients dans des conditions similaires. De même, il restera à préciser comment optimiser l’utilisation de l’oxygénothérapie, à domicile notamment, pour qu’elle soit la moins contraignante possible.

 

Source

Welniarz, Q. et al. Oxygen therapy: an acute treatment for paroxysmal dystonia in alternating hemiplegia of childhood. Movements Disorders. DOI: 10.1002/mds.29357.