Obésité et réponse au marketing alimentaire

Recherche Mis en ligne le 13 mars 2021
Ouvrir / fermer le sommaire

Des chercheurs de l’Institut du Cerveau, de l’INSEAD, du département de Nutrition de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP/Sorbonne Université), de l’EPHE et de University of British Columbia, apportent de nouvelles preuves d’une relation réciproque entre l’obésité et la sensibilité au marketing alimentaire et que cette relation n’est pas une prédisposition individuelle stable. Les résultats sont publiés dans le Journal of Consumer Psychology.

 

Existe-t-il une relation entre la réponse au marketing alimentaire et l’obésité ? Alors que le premier est souvent accusé de contribuer à l’augmentation de la prévalence de l’obésité dans la population, aucune relation entre les deux au niveau individuel n’a encore été établie, car les études de marketing portent rarement sur des personnes atteintes d’obésité. Si une telle relation existe, la chirurgie bariatrique, l’une des interventions actuelles les plus efficaces pour la perte de poids chez les personnes souffrant d’obésité sévère, influence-t-elle cette réponse au marketing alimentaire ?

 

Pour explorer ces questions, des chercheurs de l’Institut du Cerveau, de l’INSEAD, du département de Nutrition de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP/Sorbonne Université), de l’EPHE et de University of British Columbia ont étudié les réponses de 3 groupes d’individus aux tactiques classiques du marketing alimentaire consistant à présenter les aliments comme étant plus sains qu’ils ne le sont réellement. Le premier groupe était composé d’individus atteints d’obésite, puis 3 mois et 12 mois après une chirurgie bariatrique. Le second était un groupe de contrôle composé d’individus sans obésité. Le troisième était un groupe de contrôle composé d’individus atteints d’obésité mais qui n’avaient pas engagé de mesure pour perdre du poids.

 

Leurs résultats montrent que les patients atteints d’obésité ont réagi plus fortement aux tactiques de marketing alimentaire avant la chirurgie bariatrique, par rapport aux individus sans obésité. Il est toutefois intéressant de noter que ces différences se sont atténuées 12 mois après l’opération de perte de poids.

 

« Ce premier résultat est très important car il montre que la réponse au marketing alimentaire n’est pas nécessairement une disposition individuelle telle qu’un manque de contrôle de soi ou une grande sensibilité à la récompense chez les sujets souffrant d’obésité en soi comme on le pensait auparavant« ,

explique Hilke Plassmann, professeur de neuroscience de la décision à l’INSEAD et chercheur à l’Institut du Cerveau.

 

Une nouvelle possibilité ouverte par ce travail pourrait être l’existence d’une boucle de renforcement entre l’état métabolique de l’obésité et la réactivité au marketing alimentaire. Les personnes sujettes à l’obésité sont plus réactives au marketing alimentaire, qui à son tour diminue une fois que cet état métabolique est modifié vers un état métabolique plus sain (c’est-à-dire après une perte de poids allant de pair avec une normalisation des différents paramètres métaboliques).

 

La question de savoir pourquoi la chirurgie bariatrique est associée à une diminution de la réponse au marketing alimentaire reste une question intéressante pour des recherches futures. D’un point de vue neuroscientifique, une étude connexe co-signée par Hilke Plassmann et Liane Schmidt, entre autres, à l’Institut du Cerveau, a montré que les changements de la connectivité cérébrale au repos dans les systèmes de récompense permettent de prédire la perte de poids et sont corrélés aux changements post-chirurgicaux de leptine, l’hormone de satiété. Ces résultats laissent entendre que la chirurgie bariatrique a un impact bénéfique beaucoup plus complexe pour les patients, au-delà de la perte de poids évidente.

 

Source


Obesity and Responsiveness to Food Marketing Before and After Bariatric Surgery. Yann Cornil,  Hilke Plassmann,  Judith Aron‐Wisnewsky,  Christine Poitou‐Bernert,  Karine Clément, Michèle Chabert,  Pierre Chandon. Journal of Consumer Psychology. Feb 2021.
https://doi.org/10.1002/jcpy.1221