Un modificateur génétique de l'âge de survenue de la dégénérescence fronto-temporale

Mis en ligne le 27 octobre 2021
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Mathieu Barbier et Isabelle Le Ber (AP-HP) à l’Institut du Cerveau rapportent la découverte d’un modificateur lié au chromosome X de l’âge de survenue des symptômes de la dégénérescence fronto-temporale causée par l’expansion pathogénique du gène C9orf72. Les résultats sont publiés dans Brain.

L’expansion pathogénique du motif répété G4C2 dans le gène C9orf72 est une cause majeure de la dégénérescence fronto-temporale héréditaire (DFT) et de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Les porteurs de cette expansion présentent souvent un phénotype très variable comprenant un tableau clinique hétérogène et un âge d’apparition variable. En effet, les patients peuvent aussi bien développer des symptômes dès la trentaine que de ne pas en présenter à un âge avancé. A ce jour, cette variabilité phénotypique est mal comprise.

Dans ce travail, Mathieu Barbier et le Dr Isabelle Le Ber (équipe Durr / Stevanin) ont poursuivi leurs investigations dans ce domaine par le biais d’études d’association à l’échelle du génome (GWAS). Afin de contourner la problématique des maladies rares qui limite la taille des cohortes, ils ont inclus des parents, tous porteurs de l’expansion pathogène C9orf72, avec un âge d’apparition hautement concordant ou discordant.

Grâce à cette cohorte de découverte et à de multiples cohortes de réplications avec des individus non apparentés provenant de différents consortiums internationaux, en appliquant différentes méthodologies statistiques, les auteurs ont mis en évidence un polymorphisme (ndlr : une variation fréquente dans la séquence ADN), rs1009776, associé de manière robuste à l’âge d’apparition des symptômes. Ce polymorphisme se situe sur le chromosome X, en amont du gène SLITRK2 codant pour une protéine transmembranaire post-synaptique impliquée dans le développement des synapses excitatrices.

En outre, ils ont réalisé des études fonctionnelles sur le tissu cérébral de patients porteurs de l’expansion C9orf72 en comparant des patients porteurs avec différents génotypes pour le rs1009776. Ils montrent en particulier que des marqueurs de vésicules synaptiques, connue pour être affectés dans la pathologie C9orf72, semble être plus préservée chez les patients porteurs de l’allèle associé à un début tardif, contrairement aux autres.

Ainsi, ce travail est original à plusieurs égards :

– Premièrement, le design original de l’étude d’association pangénomique incluant des parents hautement informatifs. Ce design pourrait être intéressant notamment dans le contexte des maladies rares.
– Deuxièmement, la mise en évidence d’un modificateur lié à l’X (le chromosome X étant souvent négligé dans les GWAS bien qu’il porte environ 800 gènes).
– Troisièmement, à partir de l’identification de ce modificateur et des investigations fonctionnelles ultérieures, les résultats suggèrent que la préservation du trafic vésiculaire synaptique peut retarder l’apparition des symptômes chez les porteurs de l’expansion C9orf72.

 

Source

SLITRK2, an X-linked modifier of the age at onset in C9orf72 frontotemporal lobar degeneration. Mathieu Barbier, et al. Brain, Volume 144, Issue 9, September 2021, Pages 2798–2811