Connexions et fréquences du cerveau, un nouveau biomarqueur pour la maladie d’Alzheimer ?

Recherche Mis en ligne le 23 octobre 2017
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Une étude conduite par Fabrizio De Vico Fallani, chercheur Inria à l’Institut du Cerveau – ICM, met au point un nouvel outil mathématique pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer.

Les conséquences anatomiques de la maladie d’Alzheimer sont aujourd’hui bien connues. L’accumulation de protéines délétères entraîne la dégénérescence des neurones conduisant à une diminution de volume de la matière grise, donc à une atrophie du cerveau. Ces modifications anatomiques sont intimement liées à des modifications fonctionnelles, notamment au niveau des interactions entre les différentes régions du cerveau.

Face à l’enjeu de déterminer le plus tôt possible les débuts de ces changements dans la maladie, les chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM ont souhaité comprendre comment la dégénérescence des neurones influence les interactions fonctionnelles du cerveau et si ces modifications peuvent être prises en compte pour différencier un sujet sain d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer. Pour cela, ils ont utilisé la magnétoencéphalographie (MEG), une technique de neuroimagerie qui enregistre le champ magnétique induit par l’activité électrique dans différentes régions du cerveau, chez 25 sujets sains et 25 patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

Ces enregistrements se traduisent par des ondes cérébrales caractérisées par des oscillations à différentes fréquences. Chaque fréquence constitue un canal de communication préférentiel pour des processus neuronaux spécifiques. Par exemple, l’activité de consolidation de la mémoire va plutôt se manifester à des fréquences élevées, alors que des processus attentionnels vont plutôt impliquer des fréquences plus basses. Comment la maladie d’Alzheimer va altérer la capacité des aires cérébrales à interagir à différentes fréquences ?

Pour répondre à cette question, l’étude, menée par Jeremy Guillon sous la direction de Fabrizio De Vico Fallani, a permis de mettre au point un modèle de « réseau complexe multicouches » où chaque couche représente toutes les connexions (ou interactions) entre les régions du cerveau à une fréquence donnée. A partir de ce modèle, et des données issues de la MEG, les chercheurs ont calculé un indice mathématique qui mesure la capacité de chaque région à diffuser l’information entre les différentes fréquences.

Les résultats montrent que chez les sujets sains, les aires profondes du cerveau, comme le cortex cingulaire, agissent comme des vraies plaques tournantes fréquentielles, et qu’en s’éloignant de ces régions, il y a une diminution de la capacité à favoriser la diffusion de l’information à travers les fréquences. Chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, cet indice devient significativement plus bas notamment dans les aires profondes et celles impliquées dans les dysfonctionnements de la mémoire.

L’étude, en collaboration avec l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer (IM2A), a aussi montré que dans 90% des cas, cet indice est capable de diagnostiquer un patient atteint de la maladie d’Alzheimer. A terme, il pourrait constituer un nouvel outil diagnostic non invasif pour la maladie d’Alzheimer. Des études longitudinales permettront également de valider l’utilisation de cet outil comme marqueur prédictif de l’évolution de la maladie.

Référence : Loss of brain inter-frequency hubs in Alzheimer’s disease. Guillon J, Attal Y, Colliot O, La Corte V, Dubois B, Schwartz D, Chavez M, De Vico Fallani F.