Autapses inhibitrices, modulateurs de l’activité des réseaux de neurones corticaux

Recherche Mis en ligne le 12 septembre 2019
neurones corticaux

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Une étude conduite par l’équipe d’Alberto BACCI (CNRS) à l’Institut du Cerveau – ICM a montré qu’un type spécifique de neurones corticaux formait un grand nombre de synapses avec eux-mêmes appelées autapses.

Cette auto-inhibition (inhibition autaptique) est beaucoup plus puissante que l’inhibition que ces cellules exercent sur les autres neurones du réseau cortical. Ce mécanisme influence le couplage entre l’activité de ces neurones et les oscillations gamma, un rythme cérébral essentiel à la perception sensorielle, l’attention, la mémoire et d’autres fonctions cognitives. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans PLOS BIOLOGY.

neurones

 

Dans le cortex cérébral, les cellules en panier exprimant la parvalbumine (cellules PV) représentent un type majeur de neurones inhibiteurs jouant un rôle dans plusieurs fonctions cognitives importantes. Ces cellules sont connues pour êtres les « métronomes » des réseaux neuronaux car ils donnent le tempo et synchronisent de nombreux autres types neuronaux, entrainant diverses oscillations cérébrales essentielles aux fonctions cognitives telles que la perception sensorielle, la mémoire et l’attention.

 

Les neurones communiquent entre eux via des synapses, structures spécialisées qui connectent généralement deux neurones entre eux localisés soit à distance l’un de l’autre soit à proximité au sein d’un même microcircuit.

 

Une étude conduite par l’équipe d’Alberto BACCI à l’Institut du Cerveau – ICM a montré que la présence d’autapses dans les cellules PV était un phénomène courant et puissant : environ 70% de ces cellules présentent une transmission autaptique et génèrent de fortes réponses fonctionnelles inhibitrices.

Nous avons montré que les cellules PV, établissent de nombreux contacts autaptiquessur leurs propres dendrites et exerçent une auto-inhibition très rapide et puissante. Cependant jusqu’à maintenant l’impact de cette forte inhibition autaptique sur les réseaux corticaux a été relativement négligé. C’est pourquoi la première étape importante de nos travaux a été de quantifier cette auto-inhibition » explique Charlotte DELEUZE, premier auteur de cette étude.

Pour cela, les chercheurs se sont intéressés aux deux types majoritaires de partenaires synaptiques des cellules PV au sein du réseau cortical : les neurones pyramidaux (PNs) et les autres cellules PV.Ils ont mesuré et comparé la puissance de l’auto-inhibition autaptique à celle de l’inhibition synaptique sur les autres cellules PV et les PNs.Ils ont montré que la réponse autaptique est trois fois plus forte que la transmission synaptique avec les PNs et deux fois plus forte que la transmission avec les autres cellules PV.Grace à une nouvelle approche d’analyse développée par le laboratoire dirigé par Marco BEATO de l’université UCL de Londres (collaboration), l’équipe a pu montrer que la transmission autaptique était plus forte que les connections PV-PNs grâce à une sensibilité post-synaptique plus grande. A l’inverse, au niveau des connections PV-PV, lla puissance supérieure des autapses résulte d’un plus grand nombre de sites de libération autaptique .

Après avoir mis en évidence une plus forte inhibition par les autapses, la question majeure était de quantifier l’étendue de cette inhibition. Une seule cellule PV reçoit de nombreux messages afférents des autres cellules et d’elle-même.  A quel degré ces autapses contribuent-elles à l’inhibition totale reçue par les cellules PV ? » continue Alberto BACCI, chef d’équipe à l’Institut du Cerveau – ICM.

 

En utilisant différentes approches, l’équipe a pu montrer qu’environ 40% de l’inhibition globale reçue par les cellules PV provenait des connections autaptiques.

 

« Les cellules PV sont connues pour orchestrer les oscillations gamma (30-80Hz), comme un métronome. Quel est donc le rôle des autapses pendant ces oscillations ? Notre hypothèse est que les autapses permettent aux cellules PV de rester synchronisées avec les oscillations gamma. Afin de montrer cela, nous avons généré artificiellement ce type d’oscillations grâce à la technique d’optogénétique »complète Charlotte DELEUZE.

 

Ainsi, l’équipe a montré que le blocage des autapses d’une seule cellule PV modifie fortement le degré de synchronisation de cette cellule avec les oscillations gamma. Sans autapses, l’activité électrique générée par les neurones PV est distribuée plus aléatoirement, désynchronisée des oscillations gamma, ce qui rend le message plus bruyant et moins précis. Le timing des potentiel d’action est essentiel à un flux correct des informations entre les réseaux neuronaux.

 

L’auto-inhibition autaptique des neurones PV pourrait donc être un mécanisme important sous-tendant le rôle essentiel de ces cellules au cours des fonctions sensorielles et d’autres fonctions cognitives importantes, avec de possibles conséquences cruciales sur certaines actions corticales dans des conditions physiologiques et pathologiques.

 

Source

Deleuze C, Bhumbra GS, Pazienti A, Lourenço J, Mailhes C, Aguirre A, Beato M, Bacci A.

Strong preference for autaptic self-connectivity of neocortical PV interneurons

facilitates their tuning toγ-oscillations. PLoS Biol. 2019 Sep 4;17(9):e3000419. doi: 10.1371/journal.pbio.3000419.eCollection 2019 Sep.