Comment les attentes sociales influencent la douleur

Recherche Mis en ligne le 22 octobre 2019
Comment les attentes sociales influencent la douleur

Comment les attentes sociales influencent la douleur

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La douleur est une sensation très subjective. Une même situation peut être ressentie comme extrêmement douloureuse par certaines personnes alors que d’autres la considéreront comme à peine douloureuse. Une étude menée par Léonie Koban, chercheuse dans l’équipe de Philippe Fossati et Liane Schmidt « Contrôle – Interception – Attention » à l’Institut du Cerveau – ICM, a montré que l’expérience de la douleur est influencée par l’expérience individuelle, mais aussi, et encore plus fortement, par les informations provenant d’autres personnes. L’imagerie cérébrale a révélé que ces deux types d’attentes – apprises et sociales – impliquent des réseaux cérébraux différents. Les résultats sont publiés dans Nature Communications.

 

Les attentes influencent nos expériences. Elles peuvent être générées par différentes sources, sur nos expériences vécues ou nos apprentissages, mais aussi sur ce que d’autres personnes nous disent. Des commentaires positifs sur un restaurant ou une exposition modifieront certainement vos attentes concernant ledit restaurant ou exposition. Ceci est également vrai pour les sensations telles que la douleur – pensez par exemple à des examens médicaux ou à des événements généralement assez douloureux comme un accouchement. Si d’autres déclarent qu’un traitement est très ou peu douloureux, les attentes de chacun au sujet de la procédure, et de l’expérience de la douleur elle-même, pourraient s’en retrouver modifier. Cependant, les mécanismes et les systèmes cérébraux impliqués restent flous.

 

Léonie Koban et ses collaborateurs ont utilisé deux stimuli différents pour explorer les effets des attentes sur la douleur : un stimulus d’apprentissage et un stimulus social. Pour le stimulus d’apprentissage, ils ont utilisé un paradigme de conditionnement comprenant un dessin d’animal et un dessin de véhicule, chacun prédictif d’un stimulus de douleur élevé ou faible. Le stimulus social consistait à montrer aux participants les échelles de douleur d’autres personnes, qui pouvaient être soit faibles soit élevées en moyenne, sans pour autant prédire l’intensité réelle du stimulus de douleur à venir. Ils ont ensuite appliqué une chaleur douloureuse d’intensité différente, tout en enregistrant l’activité cérébrale grâce à l’IRM fonctionnelle.

 

« Nous savions déjà que les attentes pouvaient influer sur l’expérience de la douleur. En revanche, les différentes sources d’attentes restaient peu connues et d’autant plus si celles-ci impliquaient des mécanismes cérébraux différents. En fait, nous avons été vraiment surpris par l’ampleur qu’ont eu les informations sociales sur la façon dont les gens ont vécu la douleur… bien plus que leur propre expérience ! Nous pensions initialement que les participants se rendraient vite compte que les informations sociales ne prédisaient pas réellement l’intensité de la chaleur et qu’ils ne seraient plus influencés par celle-ci. Au lieu de cela, l’influence sociale est restée forte tout au long de l’expérience, même lorsque des informations plus prédictives de la douleur imminente étaient données aux personnes. » explique Léonie Koban

 

En outre, ils montrent que les systèmes cérébraux médiateurs des effets d’influence sociale et des effets de l’apprentissage sur la douleur sont différents. Les effets d’apprentissage sont médiés par les zones limbiques et les régions cérébrales postérieures telles que l’hippocampe, alors que les effets sociaux sont médiés par les régions préfrontales et pariétales. Cela pourrait suggérer que l’information sociale contourne les réseaux d’apprentissage et recrute directement des réseaux cérébraux impliqués dans le contrôle et l’attention.

 

« Dans leur ensemble, ces résultats montrent l’importance des attentes sociales et acquises vis-à-vis de la douleur et illustrent les mécanismes neuronaux sous-jacents. Il est essentiel de comprendre comment les attentes, qu’elles proviennent du contexte social ou de l’apprentissage, façonnent notre comportement et notre expérience, car elles ont des conséquences importantes sur le bien-être et la santé dans la vie réelle. » conclut Léonie Koban

 

 

Source

Different brain networks mediate the effects of social and conditioned expectations on pain.

Koban L, Jepma M, López-Solà M, Wager TD. Nat Commun. 2019 Sep 10.