Un nouveau modèle mathématique de la connectivité cérébrale après un AVC

Recherche Mis en ligne le 4 mai 2022
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Dans un récent article, publié le Journal of Royal Society Interface, Catalina Obando, Charlotte Rosso (Sorbonne Université, AP-HP), et Fabrizio de Vico Fallani (Inria), et leur collaborateurs réunis à l’Institut du Cerveau, proposent une nouvelle approche de modélisation mathématique de la reconnexion cérébrale après un AVC.

Après un accident vasculaire cérébral (AVC), le phénomène de plasticité permet au cerveau de modifier certaines connexions afin de récupérer tout ou partie de ses capacités. Aujourd’hui, dans de nombreux cas, il est difficile de prédire comment un patient va récupérer. Mieux comprendre les mécanismes de connectivité, comment les régions interagissent entre elles, au cours du temps après un AVC est donc essentiel pour mettre en place de nouvelles stratégies thérapeutiques.

 Le groupe de Fabrizio de Vico Fallani dans l’équipe  « ARAMIS – algorithmes, modèles et méthodes pour les images et les signaux du cerveau humain » a collaboré avec Maurizio Corbetta de l’Université de Padoue (Italie), à l’origine d’une base de données unique de patients touchés par un AVC ayant passé une IRM fonctionnelle à trois temps – 2 semaines après l’accident, 3 mois après et à 1 an -. L’enjeu des chercheurs était de savoir s’il était possible, grâce à la modélisation mathématique, d’extraire des informations prédictives sur l’état futur du patient.

Pour chaque sujet, ils ont modélisé les réseaux fonctionnels du cerveau, afin de caractériser leur évolution dans le temps et de les mettre en parallèle du score clinique des fonctions motrices, visuelles, langagières, attentionnels et de mémoire.

« Nous nous sommes posé deux principales questions : quels sont les mécanismes de connectivité au cours du temps après un AVC ? sommes-nous en mesure d’extraire des informations à partir des 2 premières IRM pour prédire les scores cliniques à 1 an ? » explique Fabrizio de Vico Fallani (Inria)

Le groupe de chercheurs a développé une approche basée sur deux mécanismes post -AVC: l’augmentation de l’intensité de connexion dans l’hémisphère cérébral lésé, et l’augmentation des connexions entre les deux hémisphères, et plus particulièrement entre le système lésé et son équivalent dans l’autre moitié du cerveau. En particulier, l’équipe a mis en équation ces mécanismes sous forme des schémas temporels, qui représentent des modèles basiques de connectivité s’établissant ou se rompant au cours du temps. A cela, ils ont combiné un modèle statistique applicable à l’échelle individuelle.

Le modèle a ensuite été appliqué chez 30 patients et sujet témoins. Les résultats obtenus mettent en évidence que ces mécanismes temporels de connectivité caractérisent l’évolution du réseau cérébrale de patients AVC, alors qu’ils sont moins présents chez les sujets sains. Une question subsiste : cette dynamique de connectivité révélée par le modèle a-t-elle un potentiel prédictif sur la récupération post-AVC ?

« Les signatures de connexions temporelles sont effectivement associées à l’évolution de l’état des patients. Une corrélation très forte existe plus particulièrement sur le langage. La formation des schémas renforçant les interactions des aires proches de la lésion et la formation de connexions avec l’hémisphère intact sont ainsi capables de prédire la récupération du langage chez les patients » précise Fabrizio de Vico Fallani.

Le modèle développé par les chercheurs apporte une méthodologie nouvelle, applicable à l’échelle individuelle, pour l’identification de signatures temporelles de la réorganisation du cerveau après un lésion. Les résultats démontrent également la dimension fondamentale de la temporalité dans ce type de modélisation et le pouvoir prédictif de ce modèle dans le champ du langage.

Source
Temporal exponential random graph models of longitudinal brain networks after stroke.
Obando C, Rosso C, Siegel J, Corbetta M, De Vico Fallani F.J R Soc Interface. 2022 mars.

Equipes scientifiques

Equipe "ARAMIS – Algorithmes, modèles et méthodes pour les images et les signaux du cerveau humain"
Chef d'équipe
Olivier COLLIOT PhD, DR2, CNRS
Stanley DURRLEMAN PhD, DR2, INRIA
Méthodologie et neuroimagerie Domaine principal : Neurosciences cliniques et translationnelles L’équipe ARAMIS, dirigée par Olivier COLLIOT & Stanley DURRLEMAN a pour objectif de construire des modèles numériques des maladies du cerveau, en particulier des pathologies neurodégénératives, à partir de bases de données multimodales issues de patients. Les principales approches utilisées sont l’apprentissage automatique (technique d’intelligence artificielle), la modélisation géométrique et statistique, et la théorie des réseaux complexes.
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