Journée mondiale de la maladie de Parkinson 2022 : où en est la recherche ?

Recherche Mis en ligne le 11 avril 2022
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À l’occasion de la Journée mondiale de la maladie de Parkinson, l’Institut du Cerveau fait le point sur les dernières avancées de la recherche et les défis qu’il reste à relever pour lutter contre la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer.

Si les traitements ont permis de grands progrès dans la réduction des symptômes moteurs des patients, les scientifiques travaillent encore à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de la neurodégénérescence, à améliorer le diagnostic et le pronostic des patients pour mettre en place des essais cliniques plus pertinents, et à optimiser les thérapies existantes, pour qu’elles bénéficient le plus longtemps possible aux malades. Les équipes de l’Institut du Cerveau mènent sur la maladie de Parkinson de nombreux travaux complémentaires, de la recherche la plus fondamentale à la plus appliquée. Zoom sur trois projets en cours particulièrement prometteurs.

PROJET #1 : Percer les mécanismes moléculaires et cellulaires de la neurodégénérescence pour développer de nouvelles approches thérapeutiques : gros plan sur les cellules microgliales.

La maladie de Parkinson se caractérise par la dégénérescence d’une population de neurones situés dans une région profonde du cerveau, appelée substance noire. Au cours des dernières années, plusieurs acteurs majeurs de la mort de ces neurones ont été identifiés. L’agrégation de la protéine a-synucléine à l’intérieur des cellules neuronales est le premier d’entre eux. L’exploration des formes familales de la maladie ont également mis en avant le rôle des mitochondries – les centrales énergétiques de la cellule – et de l’inflammation cérébrale dans le processus de dégénérescence neuronale.

Microscopie confocale du réseau mitochondrial (en vert) des cellules microgliales, témoins ou mutées pour Park2 ou Pink1, non traitées ou après traitement LPS + nigericin (inducteur de l'inflammation)

Microscopie confocale du réseau mitochondrial (en vert) des cellules microgliales, témoins ou mutées pour Park2 ou Pink1, non traitées ou après traitement LPS + nigericin (inducteur de l’inflammation)

Une littérature grandissante relie la fonction de gènes impliqués dans des formes familiales de maladie de Parkinson dans la régulation de mécanismes relatifs à l’immunité et à l’inflammation. C’est le cas en particulier des gènes LRRK2 et PRKN(Parkine). Dans le système nerveux central, l’immuno-surveillance est assurée par les cellules microgliales. Bien que ces cellules soient actives dans le cerveau de personnes atteintes de maladie de Parkinson, leur contribution précise au processus neurodégénératif reste à clarifier. L’équipe d’Olga Corti (Inserm) et de Jean-Christophe Corvol (Sorbonne Université, AP-HP) à l’Institut du Cerveau, développe un projet novateur basé sur la mise en jeu d’organoïdes cérébraux (mini-cerveaux) humains et de co-cultures complexes de cellules humaines, pour explorer le rôle de la composante microgliale dans le contexte de mutations des gènes LRRK2 et PRKN. Mieux comprendre le rôle de la microglie et des voies de l’immunité dans la maladie de Parkinson pourrait ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques pour prévenir la mort des neurones, et ainsi ralentir la progression de la maladie. Les modèles développés dans le contexte de ce projet pourraient aussi constituer des outils de criblage de molécules thérapeutiques pertinents, car ils intègrent des cellules de patients atteints de la maladie de Parkinson.

(Projet porté par Olga Corti et Philippe Ravassard à l’Institut du Cerveau, en collaboration avec Michela Deleidi au DZNE, Tübingen).

PROJET #2 : Affiner le diagnostic et le pronostic des patients grâce à l’imagerie cérébrale et à l’intelligence artificielle

Il n’existe pas une mais des maladies de Parkinson. Chaque patient présente des symptômes et une évolution différente de sa pathologie. Le diagnostic et le suivi de la maladie ne repose aujourd’hui que sur l’observation clinique. L’identification de biomarqueurs, en particulier grâce à l’imagerie cérébrale, est crucial pour diagnostiquer de façon plus fiable la maladie. Grâce à l’intelligence artificielle, l’enjeu est de pouvoir développer des algorithmes prédictifs de l’évolution à venir de chaque patient, pour adapter sa prise en charge mais aussi l’intégrer dans des essais cliniques appropriés aux caractéristiques de sa maladie.

Images sensibles à la neuromélanine des régions d'intérêt de la substantia nigra pars compacta (SN) d'un volontaire sain dans la première colonne, d'un patient atteint d’un trouble isolé du comportement en sommeil paradoxal (iRBD) au milieu et d'un patient atteint de la maladie de Parkinson (PD) à droite. La première rangée montre les images sans les régions d'intérêt, la deuxième rangée montre les régions d'intérêt des mêmes sujets en utilisant la segmentation automatique et la dernière rangée montre les mêmes sujets en utilisant la segmentation manuelle.

Images sensibles à la neuromélanine des régions d’intérêt de la substantia nigra pars compacta (SN) d’un volontaire sain dans la première colonne, d’un patient atteint d’un trouble isolé du comportement en sommeil paradoxal (iRBD) au milieu et d’un patient atteint de la maladie de Parkinson (PD) à droite.
La première rangée montre les images sans les régions d’intérêt, la deuxième rangée montre les régions d’intérêt des mêmes sujets en utilisant la segmentation automatique et la dernière rangée montre les mêmes sujets en utilisant la segmentation manuelle.

L’équipe MOV’IT, dirigée par Marie Vidailhet (Sorbonne Université, AP-HP) et Stéphane Lehéricy (Sorbonne Université, AP-HP), a utilisé un biomarqueur d’imagerie par résonnance magnétique, la neuromélanine, qui a récemment permis des avancées importantes dans le suivi de la maladie de Parkinson. L’équipe de l’Institut du Cerveau a notamment développé un algorithme d’intelligence artificielle permettant de détecter automatiquement les changements de volume et de signal de la région principalement touchée dans la maladie, la substantia nigra, grâce au suivi de la neuromélanine. Ils ont mis en évidence des différences entre les patients à un stade prodromal de la maladie et ceux chez lesquels les signes cliniques sont déjà apparues. Cet algorithme automatique, rapide et indépendant de l’évaluateur constitue donc un outil précieux pour étudier les modifications de la neuromélanine de la substantia nigra, permettant une évaluation directe et non invasive des modifications neurodégénératives de cette structure. Ces mesures pourraient fournir des biomarqueurs pertinents pour évaluer l’efficacité de traitements modifiant l’évolution de la maladie de Parkinson.

PROJET #3 : Améliorer les thérapies existantes grâce aux nouvelles technologies

Jusqu’à un stade avancé de la maladie de Parkinson, un traitement médicamenteux à base de L-DOPA, un précurseur de la dopamine, permet de combler le déficit de production de dopamine par les neurones lésés, et d’atténuer grandement les symptômes moteurs. Avec le temps, l’efficacité de ce traitement diminue et des mouvements anormaux apparaissent. La stimulation cérébrale profonde peut alors prendre le relais. Cette méthode neurochirurgicale, qui demande une précision de l’ordre du millimètre, consiste à implanter des électrodes au centre du noyau subthalamique des patients, une structure profonde du cerveau. Elle module l’activité électrique de cette région, et permet ainsi de corriger les dysfonctionnements induits par le déficit en dopamine. L’équipe « Neurochirurgie expérimentale », dirigée par Brian Lau (CNRS) et Carine Karachi (Sorbonne Université, AP-HP) à l’Institut du Cerveau cherche ainsi à comprendre de façon toujours plus fine l’anatomie et la physiologie cérébrale normale et pathologique. Récemment, l’équipe a pu proposer à plusieurs patients l’implantation d’un nouveau dispositif de stimulation, capable d’enregistrer l’activité intracérébrale de façon embarquée. Cette avancée ouvre des perspectives importantes, comme l’enregistrement de cette activité à différents moments de la vie quotidienne, pour mieux comprendre les dysfonctionnements des réseaux profonds du cerveau dans la maladie et les effets de la stimulation cérébrale profonde.

Visualisation des ganglions de la base et des électrodes de stimulation cérébrale profonde

Visualisation des ganglions de la base et des électrodes de stimulation cérébrale profonde

Un autre projet, développé à l’Institut du Cerveau par Nathalie George (CNRS) dans cette équipe, porte sur les méthodes de neurofeedback. Ces approches consistent à apprendre aux patients à réguler eux-mêmes certaines activités cérébrales associées à la maladie, en faisant par exemple varier une courbe affichée sur un écran représentant l’activité de leur cerveau. Avant que ces dispositifs ne puissent être utilisés dans le cadre d’un essai clinique chez les patients, de nombreux points restent à éclaircir, notamment sur les mécanismes d’apprentissage du neurofeedback, de la régulation de l’activité cérébrale et du rôle des activités cérébrales pathologiques dans la maladie. Il est à noter que pour espérer être utilisé dans un contexte clinique, le neurofeedback nécessitera des méthodes d’analyses du signal très sophistiquées et des enregistrements opérés dans des conditions très contrôlées.

En savoir plus

La maladie de Parkinson en bref

Deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson touche actuellement en France plus de 160 000 personnes, et 8 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

Le tremblement, symptôme le plus connu de la maladie de Parkinson, n’en est pourtant pas le plus fréquent. L’atteinte des facultés motrices caractéristique de la pathologie prend chez les patients des formes diverses comme l’akinésie, une lenteur, un retard, voir une difficulté à initier un mouvement ; ou l’hypertonie, une raideur voire une contraction permanente de certains muscles. Les premiers symptômes sont la conséquence d’une phase silencieuse de la maladie se développant pendant plusieurs années, au cours de laquelle sont progressivement détruites les cellules nerveuses d’une région spécifique du cerveau, la substantia nigra pars compacta. Ces cellules sont des neurones dits dopaminergiques : ils utilisent un neurotransmetteur appelé dopamine pour exercer leur fonction. La substantia nigra et la dopamine joue un rôle clé dans le contrôle des mouvements, ce qui explique les symptômes visibles de la maladie de Parkinson, mais également dans bien d’autres fonctions cognitives et comportementales, moins facilement observables, comme des difficultés de concentration, une perte chronique de motivation ou un syndrome dépressif. Le plus important facteur de risque de développer la maladie de Parkinson est l’âge avec une prévalence de 0.04% chez les personnes entre 40 et 49 ans qui augmente à 2% chez les plus de 80 ans. 5% des cas de maladie de Parkinson sont familiaux c’est-à-dire héréditaires liés à la mutation d’un gène de transmission dominante ou récessive. La maladie de Parkinson, comme de nombreuses maladies neurologiques est dite multifactorielle. De nombreux facteurs environnementaux et de prédisposition génétique conférant un risque supérieur de développer la maladie ont été identifiés ces dernières années.

Le rôle de la dopamine dans la maladie de Parkinson